LE DIVORCE ET LA SÉPARATION DES FRANÇAIS VIVANT AU ROYAUME-UNI


Publié par le magazine ICI LONDRES en octobre 2016, http://www.ici-londres.com/londres-pratique/66~le-divorce-et-la-separation-des-francais-vivant-au-royaume-uni

Lorsqu’un couple traverse des difficultés insurmontables, il est naturel que les conjoints s’interrogent sur les différentes possibilités dont ils disposent pour organiser leur séparation. Dans le cas particulier d’un couple de français résidant au Royaume-Uni, ces interrogations gagnent encore en ampleur et en complexité.

I. Le divorce des couples mariés résidant au Royaume-Uni

Les divorces placés dans un contexte international soulèvent en effet, de nombreuses problématiques. La multitude de textes internationaux, européens et nationaux qui s’entremêlent et réglementent la matière conduisent à une difficulté d’explication de certaines règles. La complexité du système actuel, créée une situation telle, qu’il est souvent difficile pour des époux souhaitant divorcer d’appréhender les règles qui s’appliqueront à leur divorce. Cet article à portée générale tend à expliquer et présenter de manière succincte la réglementation s’appliquant aux divorces de français résidant au Royaume-Uni. Cet article ne peut en aucun cas remplacer une consultation personnelle auprès d’un avocat.

La question de la juridiction compétente

La première interrogation dans le cas d’un divorce d’un couple français expatrié au Royaume-Uni est bien souvent celle de la juridiction compétente pour prononcer le divorce. Le règlement européen Bruxelles II bis (CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003) régulant la question de la juridiction compétente offre aux époux un choix entre deux options :

·         Ils peuvent saisir les juridictions de leur nationalité commune : les juridictions françaises. Il faudra dans ce cas qu’ils s’adressent à un juge aux affaires familiales.

·         Il leur est également possible de saisir les juridictions de leur lieu de résidence habituelle : les juridictions anglaises.

Ce choix est important puisque, selon la situation personnelle de chaque époux, il sera plus ou moins avantageux de saisir les juridictions françaises ou anglaises. De ce fait, le recours aux conseils d’un avocat, afin d’orienter l’époux vers la solution la plus adaptée à sa situation, peut constituer une aide précieuse.

A noter qu’il est important que l’époux agisse rapidement pour saisir la juridiction de son choix. En effet, la première juridiction saisie par l’un des époux sera celle qui restera compétente pour prononcer le divorce, même si l’autre époux s’est adressé à une autre juridiction.

La question de loi applicable au divorce en lui-même

La seconde difficulté réside autour de la question de la loi applicable au divorce. Cette question est réglementée par le règlement européen n° 1259/2010 du 20 décembre 2010, également appelé Règlement Rome III. Ce règlement met en place une coopération renforcée au sein des pays de l’Union Européenne. La France est membre de cette coopération renforcée, le Royaume-Uni ne l'est pas. Ainsi, si le juge français est tenu d’appliquer le règlement Rome III, le juge anglais, au contraire, n’est pas lié par les règles prévues par ce règlement.

En particulier, ce règlement offre la possibilité aux époux, de prévoir d’un commun accord, la loi applicable à un éventuel futur divorce. Les époux fixent ce choix par écrit dans une convention dite « convention de choix de la loi applicable ». Dans l’hypothèse où les époux n’ont pas désigné de loi applicable avant d’entamer une procédure de divorce, le règlement prévoit un raisonnement en cascade (dépendant du lieu de résidence et de la nationalité des époux) pour permettre au juge de déterminer la loi applicable.

Ainsi, dans la situation d’un couple français vivant au Royaume-Uni ayant saisi les juridictions françaises, le juge se prononce sur le divorce en appliquant la loi désignée par les époux dans leur convention. Lorsque les époux n’ont pas prévu de loi applicable à leur divorce, le juge français applique le droit anglais, mais seulement en ce qui concerne les règles relatives au divorce en lui-même.

Le juge anglais, non tenu par le règlement Rome III, n’est tenu de respecter, ni la convention de choix de la loi applicable des époux, ni de suivre le raisonnement prévu par le règlement pour déterminer la loi applicable. Le juge anglais applique en principe la loi anglaise au prononcé du divorce.

Un jugement de divorce rendu au Royaume-Uni est reconnu en France de manière automatique, sans avoir besoin de procéder à des démarches supplémentaires.

La situation des enfants issus du mariage

Dans le cas où le couple a des enfants, le juge compétent pour statuer sur l’autorité parentale et sur l’obligation alimentaire est celui de la résidence habituelle des enfants. Il s’agira donc, dans l’hypothèse d’une famille française résidant au Royaume-Uni, du juge anglais. En conséquence, si le juge français est saisi du divorce, il ne peut statuer, au fond, sur l’autorité parentale et l’obligation alimentaire que si les deux parents y consentent et que le juge reconnaît sa compétence dans l’intérêt de l’enfant.

Toutefois, il est important de noter que le juge français est compétent pour décider de mesures provisoires afin d’organiser la situation des époux et de leurs enfants en attendant le prononcé du divorce. Ces mesures peuvent concerner le sort de la résidence habituelle des époux, le partage de l’autorité parentale, la garde des enfants, la pension alimentaire ou encore la répartition des charges.

II. La séparation de couples non mariés résidant au Royaume-Uni

Dans le cas d’un couple non marié, la séparation se réalise en principe librement. La loi française prévoit néanmoins, la possibilité d’organiser les conséquences de la rupture en concluant à l’avance un contrat dit de concubinage. Dans ce contrat, les concubins peuvent, par exemple, prévoir d’une indemnité à la charge de l’auteur de la rupture, à verser à l’autre concubin. Ils pourront également prévoir l’obligation pour le concubin le plus fortuné de subvenir aux besoins de l’autre après la rupture.

Si les concubins ont acquis en indivision un bien immobilier en France, et en cas de blocage lors de la séparation, un juge aux affaires familiales peut être saisi pour statuer sur le partage du bien.

En droit anglais, il est également possible pour les concubins de prévoir dans un contrat les éventuelles conséquences de leur séparation. Ces contrats peuvent être rédigés à tout moment : avant ou même après la séparation. En cas de difficulté dans la séparation et de recours à un juge, ces contrats ne lient pas le juge anglais dans sa décision mais pourront l’influencer. Il n’existe au Royaume-Uni aucune obligation légale visant à obliger un concubin à subvenir aux besoins de l’autre.

Cependant, si le couple a des enfants, le concubin vivant avec les enfants peut saisir le juge anglais qui, en application du Child Support Act 1991, a la possibilité d’enjoindre à l’autre concubin de lui verser une pension alimentaire pour l’entretien des enfants. Le juge anglais peut également être saisi de manière plus générale pour organiser les conséquences de la séparation des concubins pour leurs enfants. Ainsi, le juge anglais peut notamment se prononcer sur l’attribution du logement familial, sur la garde des enfants et le droit de visite de l’autre parent. Le juge peut également proposer une mesure de médiation familiale.